Qu'est-ce que le yoga ?

Le mot yoga est tellement répandu de nos jours et l'offre en cours de yoga en tous genres si vaste qu'on serait tenté de ne pas s'interroger sur ce qu'est réellement le yoga.

Et pourtant, la question vaut qu'on s'y arrête, tellement la réponse est éloignée des clichés contemporains.

Avant tout, précisons que le propos de cet article n'est pas de juger les pratiques qui ne rentreraient pas dans la définition qui va suivre : si une chose parait bien certaine dans l'histoire plurimillénaire du yoga, c'est d'une part que ce terme même de "yoga" a été forgé tardivement pour regrouper sous un même nom des pratiques déjà existantes, parfois très variées entre elles - autrement dit, il n'existe pas "un" yoga ; et d'autre part que le yoga se transmet de maître à disciple, autrement dit il en existe potentiellement autant de variantes que de maîtres et de lignées. Ce petit rappel ne peut donc qu'inciter à l'humilité quand il s'agit de parler de ce qu'est le yoga, puisqu'on comprend bien qu'il n'existe pas de réponse unique.

Ceci étant dit, qu'est-ce que le yoga ? Selon les Yoga Sutras de Patanjali, "le yoga est la suspension des perturbations du mental" (I.2). A ce titre, le yoga constitue l'un des six "darshans" de la pensée indienne, c'est à dire l'un des six systèmes de pensée qui visent tous, par des voies différentes, à atteindre l'éveil.

Et les postures, dans tout ça ? Bien qu'elles soient effectivement présentes, les postures, ou asana en sanskrit, n'occupent pas du tout la place principale sur ce chemin.

Ashtangha yoga, le yoga de Patanjali

Les Yoga Sutras de Patanjali expliquent que le chemin du yoga peut se décomposer en huit "membres". En sanskrit, huit se dit "ashta" et le membre "anga". Autrement dit, "ashtanga" ne signifie rien d'autre que le fait de pratiquer un yoga bâti sur les huit piliers de Patanjali. Quels sont-ils ?

1. Les Yamas

Les Yamas sont des règles de comportement d'un individu vis-à-vis de lui-même. Les Yoga Sutras nous expliquent que les Yamas constituent une règle universelle et ne dépendent ni d'un lieu, ni d'une époque, ni de circonstances particulières. On en compte cinq dans les Yoga Sutras (d’autres textes comme le Yoga Yajnavalkya en dénombrent davantage) :

- Ahimsa : la non-violence ou, plus exactement, le refus de causer une nuisance (a- privatif), que cela concerne les autres, mais aussi soi-même

- Satya : la vérité

- Asteya : le fait de ne pas voler

- Brahmacharya : la modération, la continence

- Aparigraha : le fait de ne pas vouloir amasser, agripper les choses

2. Les Niyamas

A l'inverse des Yamas, les Niyamas sont des règles de vie de l'individu dans sa relation avec la société. Les Yoga Sutras en dénombrent cinq :

- Saucha : la propreté

- Samtosha : le contentement, c'est à dire de se contenter de ce que l'on a

- Tapas : l'effort, l'ardeur ; ce mot est bien relié au mot espagnol bien connu, car il contient effectivement l'idée de cuisson, de transformation par l'effort ; on traduit même parfois tapas par austérité, pénitence ;

- Svadhyaya : la connaissance de soi, l'étude des textes

- Ishvara pranidhana : l'abandon à ce qui est plus grand que soi ; dans l'Hindouïsme on parlera d'une divinité d'élection, choisie par chaque individu en son for intérieur, mais la notion renvoie plus largement, de manière universelle, à tout ce qui est plus grand que nous, qui nous dépasse - pas besoin donc d'être Hindou pour se retrouver dans cette notion.

3. Asana

Les postures que l'on trouve dans le yoga moderne sont bien une des composantes essentielles du yoga. A ce titre, les Yoga Sutras nous indiquent que les postures se pratiquent "sthira sukha" (II.46), c'est à dire dans un équilibre entre d'une part la fermeté (sthira en sanskrit, qui a donné le mot étirer en français par exemple) et d'autre part l'aisance, sukha (qui a donné le mot sucre, par exemple).

Cet équilibre entre aisance et fermeté est particulièrement difficile à trouver : forcer la posture parce qu'on souhaite arriver à la faire ou bien parce que l'on souhaite un résultat donné sans écouter les limites de son corps, c'est insister trop sur sthira et au passage c'est méconnaître le principe d'ahimsa évoqué plus haut. Inversement, rester dans le souci excessif du confort de la posture, refuser la recherche de la limite de son propre corps, cela revient à se rétrécir sur soi.

4. Pranayama

Le pranayama est une discipline particulièrement riche qui mériterait un volume encyclopédique à part entière, elle a fait l'objet de nombreux textes et de très nombreuses interprétations ; à ce stade, on peut simplifier la notion de pranayama en la traduisant par l'allongement du souffle, un souffle que la pratique du yoga vise à rendre toujours plus fin, plus subtil.

Différentes techniques existent pour travailler le souffle, en fonction de l'état du moment et de l'effet recherché. Par exemple, allonger l'expiration par rapport à l'inspiration aura un effet apaisant et pourra souvent être pratiqué en fin de journée, alors qu'inversement le matin ou en cas de fatigue, privilégier une inspiration plus longue que l'expiration pourra avoir un effet dynamisant dans certains contextes.

Au-delà des techniques, on peut visualiser le souffle comme un reflet de l'état intérieur, autrement dit si le souffle est saccadé, accéléré, il est préférable de ralentir la vitesse des mouvements pour harmoniser le geste au souffle et privilégier sa stabilité, qui permettra celle du mental.

5. Pratyahara, le retrait des sens

On traduit pratyahara par la notion de retrait des sens, qui est permise quand le mental est stabilisé. Selon la traduction de Françoise Mazet, "quand le mental n’est plus identifié avec son champ d’expérience, il y a comme une réorientation des sens vers le Soi". Cela peut correspondre à un état de stabilité intérieure qui peut être ressenti à la fin d'une séance bien pratiquée, par exemple.

6. Dharana, la concentration

La concentration est capitale sur le chemin du yoga, quel que soit le stade. Durant la séance, par exemple, il peut s'agir de maintenir son attention sur son souffle tout au long de la pratique, en veillant à ce qu'il soit équilibré ; après la pratique, en assise, dharana peut consister à concentrer son attention sur un point précis, que ce soit la respiration, une zone du corps, une image, ... n'importe quel support est possible du moment que l'objectif est de rassembler tout son esprit sur un seul point.

Pendant que l’esprit est concentré, il ne divague pas en pensées perturbatrices. Plus on avance sur le chemin du yoga, plus on est capable d’exercer sa concentration de plus en plus longtemps et sur des aspects de plus en plus subtils.

7. Dhyana, la méditation

8. Samadhi, le “ravissement lumineux” (traduction de Frans Moors)

Je ne donne volontairement pas de description précise de ces deux dernières étapes car elles ne peuvent être appréhendées de manière mentale et verbale. La méditation, mot galvaudé de nos jours, ne se décrète pas, elle se vit, selon un état intérieur cultivé dans cette perspective.

Tout ce que nous pouvons faire, c'est de cultiver notre attention sans relâche à travers Dharana, et alors Dhyana et pourquoi pas Samadhi peuvent advenir.

Mais alors, comment expliquer que la notion d'ashtanga soit utilisée pour caractériser un certain style de yoga, et quel est le lien avec cette description toute théorique ? Réponse dans un prochain post !

En attendant, je vous propose quelques pistes pour aller plus loin :

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